, CRIA, est conseillère, ressources humaines chez Sysco Services Alimentaires inc.
Depuis le début des années 90, les réclamations à la CSST pour lésions psychologiques ou psychiques reliées au travail ont considérablement augmentées. On note également que la durée moyenne d'indemnisation des lésions psychologiques reliées au travail est plus longue que les autres types de lésions et que les arrêts de travail ont tendance à être plus longs. La dépression, le burn-out, l'anxiété, le stress et les troubles d'adaptation comptent parmi les diagnostics les plus courants.
Toutefois, la reconnaissance d'une lésion psychologique reliée au travail n'est pas si simple. Pour être reconnue, une lésion psychologique doit être la conséquence d'un accident du travail tel que le définit la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. Il incombe au travailleur de démontrer la survenance d'un événement imprévu et soudain, par le fait ou à l'occasion de son travail, et la relation de cet événement avec la lésion psychologique. Le travailleur peut également démontrer que ce sont avant tout des facteurs reliés au travail qui sont responsables de ses problèmes psychologiques.
Les réclamations pour une lésion psychologique sont généralement fondées sur les conditions de travail, l’harcèlement psychologique ou sexuel ou un événement traumatique unique.
Les actes de violence majeurs au travail tels qu'une agression physique ou un vol à main armée sont généralement reconnus comme sources de problèmes psychologiques. Par contre, dans d'autres situations reliées au travail, la preuve peut être plus difficile à faire.
Les situations reliées aux relations de travail normales et au droit de gérance de l'employeur, comme l'application de mesures disciplinaires, la mise à pied, le licenciement, le refus ou l'abolition de poste, etc., sont habituelles et courantes dans les organisations et ne peuvent pas être perçues comme des événements imprévisibles et soudains donnant accès à une indemnisation pour lésion psychologique.
Les situations reliées à des conflits interpersonnels qui engendrent un climat de travail malsain sont aussi généralement refusées à moins que cela implique des comportements harcelants, agressifs ou dangereux.
Les modifications aux tâches de travail, la réaffectation, la réorganisation administrative du travail ainsi que les changements technologiques sont considérés comme des événements habituels dans la vie d'un travailleur qui ne comportent pas les éléments constitutifs d'un accident du travail, mis à part des circonstances très exceptionnelles. Le travailleur peut par contre prouver qu'il y a surcharge de travail ou qu'il travaille sous pression s'il démontre les conditions suivantes : des tâches qui diffèrent de façon significative de ses tâches habituelles, de multiples changements des conditions d’exercice du travail, le retrait de certains privilèges et l’ajout de tâches importantes, une situation sur laquelle il a peu de contrôle et de soutien et finalement, une situation qui dure sur une période de temps assez longue.
Dans les cas de harcèlement, le travailleur doit démontrer la présence d'une série d'événements objectivables (et non uniquement basés sur sa perception) qui, par leur caractère répétitif sur une période de temps pouvant être assez longue, peuvent constituer une situation suffisamment traumatisante pour être la cause d'une lésion psychologique. Ainsi, un travailleur victime de plaisanteries constantes au travail sur son orientation sexuelle peut voir reconnaître sa lésion psychologique. Toutefois, les reproches et les critiques du supérieur concernant le travail (souvent exprimés lors des évaluations du rendement) ainsi que le fait de contrôler ou de vérifier le travail ne constituent pas des manifestations de harcèlement envers le travailleur. Par contre, ces gestes doivent se fonder sur des explications et des justifications solides et ne pas être appliqués de manière exagérée.
Vous l'aurez donc constaté, l'admissibilité d'une lésion psychologique repose de façon importante sur les faits et les circonstances entourant la réclamation beaucoup plus que sur le diagnostic médical lui-même.
Ana Cerqueira
Cet article a été publié dans le quotidien
La Presse le 25 octobre 2003